23 Février 2013
Aucun chef de l'exécutif d'un Etat démocratique dans le monde n'a autant de pouvoir que le Président de la Ve République. Héritié du régime monarchique, il est inamovible pour la durée de son mandat, a le droit de dissoudre l'Assemblée Nationale, nomme aux plus hautes fonctions de l'Etat. Il a aussi, par l'intermédiaire du gouvernement, l'initiative de la plupart des lois et d'irrésistibles moyens de pression pour faire voter le Parlement dans son sens au point de le faire passer pour une simple "chambre d'enregistrement".
Jusqu'en 2000 pourtant, le Président vivait dans une certaine incertitude. Sa marge de manoeuvre pouvaient se trouver subitement réduite au profit du 1er ministre si les citoyens français élisaient à l'Assemblée nationale une majorité qui ne partageait pas ses options politiques. C'est la cohabitation qui faisait de la Ve République un régime mixte, c'est-à-dire tour à tour présidentiel ou parlementaire.
Hélas, pour éviter les périodes de cohabitation les durées des mandats du Président et des députés ont été alignées à cinq ans et l'ordre des élections inversée, afin que l'élection présidentielle intervienne avant l'élection des députés. L'objectif, sous couvert de modernisme politique, était de réduire le risque "insupportable" de nouvelles cohabitations. Le principal résultat a été surtout d'accentuer la présidentialisation du régime de la Ve République et de rabaisser le 1er ministre au rang de simple "collaborateur".
En effet, les députés de la majorité, dorénavant élus dans la foulée du Président, sur son programme et pour la durée de son mandat ont bénéficié au moment de leur élection de la dynamique de l'élection présidentielle. Leur élection au poste de député est donc, pour les moins bien implantés localement d'entre-eux, liée au destin d'un seul homme.
Cependant, parmis ces députés, certains sont maires, président de conseil général ou régional. Ils représentent un atout pour leur collectivité dans la mesure où ils peuvent mieux plaider leur cause à Paris. Mais ils sont aussi un atout pour notre démocratie : leur statut d'élu ne dépend pas du seul mandat de parlementaire. Face au pouvoir exécutif, ils sont plus indépendants, et donc plus puissants, que leurs collègues qui ne sont "que" parlementaires.
Le non cumul des mandats accentuera donc le "fait majoritaire" en solidarisant encore plus la majorité parlementaire et le gouvernement qui en est issu au Président de la République. L'exception française du cumul des mandats peut être alors considéré comme une réponse à la concentration des pouvoirs entre les mains du Président de la République.
Enfin, on pourrait se demander si le véritable danger de notre démocratie n'est pas moins le cumul des mandats que la possibilité illimitée de se représenter encore et encore au même mandat...