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Guillaume Lejeune

Des prix du foncier viticole de plus en plus surréalistes

Des prix du foncier viticole de plus en plus surréalistes

Ce n'est pas une découverte, le prix du foncier viticole en Champagne prend des proportions surréalistes et ce n'est pas fini : +24% en 2012 ! C'est incroyable !

Je ne suis pas entièrement d'accord avec les analyses de Daniel Duriez, directeur de la Safer en Champagne-Ardenne, qui impute cette hausse à "la guerre fratricide que se livrent maisons de champagne et viticulteurs".

En fait, cette flambée des prix est un des effets pervers du modèle économique de la Champagne viticole qui arrive en bout de course. Depuis les années 60, toute la filière viticole a fondée sa réussite sur une logique de croissance en volume de production. C'était l'époque du productivisme triomphant et de la mécanisation à marche forcée. Ce modèle n'a pas été révisé depuis. En effet, l'échelle de comparaison entre les différentes grandes maisons de champagne est toujours le nombre de bouteilles vendues sur l'exercice, ce qui reste encore le seul critère de référence qui à cours en champagne ! Est-ce vraiment raisonnable ?

Pour assurer sa croissance en volume, maisons et viticulteurs ont gardé le même équilibre initiale de la champagne viticole datant de la fin du 19e siècle et du début du 20e : le foncier au vignoble et la production de bouteille au négoce. Dans l'intérêt commun d'augmentation des volumes de ventes, une grande politique de plantation a été mise en place tout en assurant un deuxième équilibre entre le potentiel de production et la vente pour permettre de garantir le maintien, voir la valorisation, des prix de production de matière première. Tout allait bien tant qu'il était possible de planter. Tout le monde y trouvait son compte. Mais la situation a changée aujourd'hui...

Toute l'aire d'appellation AOC champagne est plantée aujourd'hui ! L'augmentation globale des volumes n'est plus aussi facile. Or, le critère de croissance pour les opérateurs économiques champenois reste toujours la croissance en volume. Le résultat ? Pour augmenter ses parts de marché, le négoce doit récupérer les contrats de livraison de son voisin. Cela a eu pour première conséquence de faire croitre le prix du kilo de raisin. Le vignoble était gagnant dans cette surenchère et n'y trouvait alors rien à redire. Sauf que la réaction des maisons de champagne à cette guerre de l'approvisionnement a évolué. Ne pouvant décemment continuer à payer la matière première de plus en plus cher sans rogner sur leurs marges bénéficiaires en retour, la politique actuelle est donc vouloir garantir son approvisionnement en raisin. Comment ? D'une part en proposant des "effets leviers", c'est-à-dire en passant des contrats de type "donnant-donnant" avec le vignoble comme la location d'un hectare de vigne contre la livraison de 4 à 5 hectares de raisins ou en prêtant de l'argent que le viticulteur puisse racheter sa location (ou payer ses droits de successions) en échange d'une garantie de livraison pendant toute la durée du prêt. D'autre part en achetant du foncier, ce qui permet au négoce de garantir son approvisionnement en raisins aussi bien vis-à-vis du vignoble que de ses concurrents directes.

Les conséquences directes de cette politique de captation du foncier par le négoce est la flambée des prix de l'hectare de vigne. Un viticulteur seul ne fait pas le poids face à la puissance financière des grandes maisons et la mariée est trop belle pour que les vendeurs ne cèdent pas aux chants de la surenchère.

Les effets sur le vignoble sont déjà visibles aujourd'hui. La flambée des prix rend l'installation des jeunes (hors successions) impossible. 70 ans pour amortir l'achat d'un hectare de vigne, ce n'est pas tenable économiquement ! Les reprises d'exploitations aussi sont très onéreuses. Les nouvelles générations ont l'impression de racheter le droit de travailler leur terre ! Droits de successions, éclatement des exploitations, diminution du foncier en propres parce qu'il est impossible de transmettre toutes les surfaces de vignes sans les répartir au sein des fratries... Tout cela complique l'installation des jeunes. Si la situation ne change pas, nous connaitrons bientôt la fin des petits récoltants manipulants et des vignerons indépendants.

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